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Les défis du recyclage et les étapes préalables à prendre en compte

Les trois reportages diffusés cette semaine au bulletin d’information de la chaîne Noovo ont mis en lumière différents défis liés au recyclage des produits électroniques.  Ils ont aussi permis de pointer le manque d’emphase mis au Québec sur la réparation et le réemploi des appareils pouvant encore satisfaire les besoins des consommateurs et qui, trop souvent, se retrouvent de façon prématurée au recyclage

Pour mieux comprendre la situation, voici quelques informations supplémentaires.

Le cas des particuliers

Vous avez à la maison un ordinateur, fixe ou portable. Peut-être l’avez-vous déjà fait réparer (dans ce cas, bravo à vous, vous avez évité plusieurs kilos de GES!). Un jour ou l’autre toutefois, cet appareil cessera de bien fonctionner, ou ne répondra plus à vos besoins, et vous voudrez alors vous en départir. Vous serez alors invité à aller le déposer dans un point de dépôt de l’ARPE Québec (l’Association pour le recyclage des appareils informatiques), qui s’assurera que cet appareil soit ensuite acheminé chez un recycleur certifié.

Les entreprises spécialisées dans le recyclage du matériel électronique traitent le matériel dont se départissent à la fois les particuliers, ainsi que celui des entreprises, lorsque celles-ci renouvellent leur parc informatique. Leur modèle d’affaires est principalement orienté vers le démantèlement des appareils (manuellement ou par broyage) et la séparation des matières (les plastiques, les métaux, les cartes-mères), qui seront ensuite vendues à différentes entreprises spécialisées dans la transformation de chacune de ces matières. Ainsi, une partie des matériaux de votre ordinateur pourraient se retrouver intégrée à d’autres procédés industriels. Une autre portion pourrait se retrouver dans une fonderie pour être incinérée, afin notamment de récupérer une partie des métaux rares. Le travail des recycleurs est donc essentiel pour éviter que les appareils informatiques ne se retrouvent dans les sites d’enfouissement, et pour que les matières qui les composent puissent servir à nouveau.

Dans la hiérarchie des 3RV, le réemploi précède le recyclage, ce qui signifie qu’avant de les recycler, on devrait privilégier la réparation, le reconditionnement et la remise en circulation des appareils. Ceci permet de réduire le besoin pour des appareils neufs et donc, réduit les impacts liés à leur fabrication et à l’extraction des ressources.

Les appareils dont se départissent les citoyens ont toutefois un faible potentiel de réemploi. Pourquoi? Soit parce qu’ils ont servi un bon nombre d’années et sont donc devenus dépassés, soit parce qu’ils sont très abîmés et que leur réparation serait coûteuse (ils n’ont généralement pas été entretenus de façon régulière), soit parce qu’à la base ils n’étaient pas de grande qualité ni conçus pour durer très longtemps (une portion importante des consommateurs tend à privilégier le prix plutôt que la qualité dans leur décision d’achat). Le potentiel de réemploi d’un appareil se détermine souvent par ces deux questions : 1) si cet ordinateur était remis en bon état, est-ce qu’un autre consommateur serait intéressé à l’acheter?  2) Est-ce que le coût de remise en état de l’appareil pourrait être compensé par le prix de vente de l’appareil à un nouvel utilisateur? On estime ainsi que le taux de réemploi des appareils dont vous et moi nous séparons se situe entre 5 et 10%.

Et les entreprises ?

Pour le matériel qui provient des entreprises, c’est une tout autre paire de manches. Les ordinateurs qu’achètent les entreprises sont souvent de qualité… entreprise. Cela signifie qu’ils sont plus robustes, plus durables, davantage réparables. Aussi, les ordinateurs en entreprise sont souvent entretenus (on pose certains gestes pour prévenir l’apparition de différents problèmes de fonctionnement). Finalement, les entreprises, pour des raisons comptables et d’opérations, remplacent leur flotte d’ordinateurs tous les 4 ou 5 ans. Ainsi, avec un peu d’amour et un effacement sécuritaire des données, ces ordinateurs peuvent encore offrir d’excellentes performances et combler un utilisateur pour plusieurs années. Le taux de réemploi des appareils informatiques dont se départissent les entreprises atteint ainsi entre 50 et 90%, selon le type d’appareil!

Outre les recycleurs, il existe au Québec plusieurs entreprises spécialisées dans le reconditionnement et le réemploi des appareils informatiques. Ces entreprises ont l’expertise pour maximiser la remise en état et en circulation des appareils. Chez Insertech par exemple, l’année dernière, 64% des ordinateurs fixes et 86% des ordinateurs portables reçus des entreprises ont pu être reconditionnés et mis à la disposition d’un nouveau consommateur, à un coût très abordable. Sur les catégories d’appareils que l’organisation est en mesure de reconditionner (ordinateurs fixes, ordinateurs portables, tablettes et téléphones cellulaires), le taux de réemploi a été de 75%, soit trois appareils sur quatre.

Comme mentionné, les recycleurs traitent à la fois le matériel d’entreprises, mais aussi celui des particuliers, en grandes quantités. Cela explique en partie que leur taux de réemploi global soit assez faible (autour de 5% selon le rapport de l’ARPE cité dans le reportage de Noovo).

Lorsque toutefois des ordinateurs d’entreprises sont acheminés directement chez un recycleur (ce qui est le plus souvent le cas, en fonction du système mis en place par ARPE Québec), il n’est pas garanti qu’ils seront réemployés. Le réemploi de matériel informatique est une expertise en soi, et demande un travail manuel sur chacun des appareils : une logique assez différente pour des entreprises habituées à fonctionner au poids et au volume…  Aussi, le réemploi implique une tout autre approche de mise en marché pour que les appareils trouvent preneurs. Pour générer des revenus supplémentaires, certains recycleurs développent un volet de réemploi, et vendent des appareils en gros, ici et ailleurs dans le monde.

En conclusion

Il y a donc de fortes chances que l’appareil que vous utilisez au bureau soit recyclé lors de son remplacement, ou qu’il soit vendu en dehors du Québec. Le fait que le système de traitement des appareils soit principalement organisé autour du recyclage fait en sorte que des appareils encore bons sont détruits, contribuant ainsi au gaspillage des ressources, privant du même coup le marché québécois d’appareils de qualité, reconditionnés ici.

Mais alors, quel serait le monde idéal en matière de traitement des appareils informatiques?

 

Selon Insertech, il faudrait :

En amont, réduire et réparer :

Que les consommateurs soient bien conseillés pour acheter un appareil qui répond à leurs besoins, qui soit durable, et réparable.

Que les consommateurs soient sensibilisés et encouragés à privilégier l’achat d’appareils reconditionnés plutôt que d’appareils neufs (la production d’appareils neufs est ce qui représente le coût environnemental le plus élevé en matière de numérique).

Que des services de réparation accessibles et abordables soient disponibles pour faciliter et rendre automatique le fait de faire réparer son appareil plutôt que de le remplacer prématurément.

Ensuite, s’organiser pour que le réemploi soit possible à grande échelle … :

Que l’Association pour le recyclage des appareils informatiques (ARPE) devienne l’Association pour une meilleure gestion environnementale des appareils électroniques… : en d’autres mots, que des moyens soient investis pour que les appareils ayant un potentiel de réemploi soient identifiés, reconditionnés et remis en marché, ici, au Québec, dans une optique de réelle économie circulaire, avant d’être acheminés, en toute fin de vie, au recyclage.

Que cette organisation mette en place des centres de tri, ou de façon imagée une sorte de tamis, pour que le matériel propre au réemploi soit préservé et acheminé vers les entreprises spécialisées en réemploi.

Que les entreprises ayant une expertise en réemploi soient rémunérées équitablement pour leurs services, au même titre que les recycleurs.

… et multiplier les retombées de ces activités économiques grâce à l’économie sociale :

Que les entreprises d’économie sociale, qui priorisent dans le cadre de leurs activités la réalisation de retombées sociales et environnementales sur le rendement financier, soient reconnues comme des actrices de premier plan pour une gestion transparente, efficiente et structurante des appareils électroniques et que, comme en France, elles aient un accès privilégié aux gisements des appareils réemployables.

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